mercredi 18 janvier 2012

Qu’est-ce qu’un laboratoire de théâtre ? (du 3 - 14 janvier)

Le laboratoire s’organise comme des séances de travail journalières qui rassemblent tous les comédiens  et tous les membres de l’équipe de l’atelier-spectacle (les scénographes, les concepteurs lumière, la conceptrice son, l’assistant à la mise en scène et Sophie Loucachevsky). 


Le laboratoire se déroule dans le Nouveau théâtre Laurent Terzieff de l’ENSATT (Lyon).

Un laboratoire pourquoi ?

Un laboratoire car Les possibilités sont ininterprétables. Le théâtre de Barker est un théâtre d’acteur. Il s’agit d’un travail de construction et non d’interprétation intellectuelle, de projection de metteur en scène. Le travail s’élabore autours de questions posées alors « en bataille ».


Le déroulé du laboratoire suit, cependant,  l’ordre des pièces choisies pour le spectacle.
Les Possibilités est, en effet, un recueil de plusieurs pièces, (9), écrites par Howard Barker en 1988, dans lesquelles l’écrivain, - selon Sophie Loucachevsky – utilise la guerre « comme loupe poétique ». Sophie L. écrit à propos de ces pièces : 

« Depuis toujours nous sommes en guerre, une guerre civile dans laquelle les soldats tournent en rond, revenant régulièrement dans les lieux qu’ils ont déjà traversés. Cette guerre est donnée comme répétitive, infinie, on dit qu’elle ne sera jamais terminée et tout le monde a oublié pourquoi elle a commencé. « Nous adorons cette guerre, n’est-ce pas ? Il est vrai que nous aimons la souffrance… » Dans ce monde en guerre civile, il y a dans ces pièces, une parabole évidente de la catastrophe permanente et du désastre infini, les soldats ne tuent personne, les moines ne font pas la charité, les hommes sont sans mémoire, les femmes veuves et les enfants sans vertu, et tout est apparemment absurde. Ces paraboles de guerre disent seulement qu’on continue à marcher sur les routes et que l’optimisme le plus notable consiste à conserver son butin avec soi alors qu’on sait qu’on risque de mourir. »

Parmi les neuf pièces du recueil, six pièces ont été choisies par les élèves :


                1.  Quelques hypothèses sur la chute des empereurs.
2.  L’extase de la femme muette
3.  Les conséquences imprévues d’un acte patriotique
4.  Elle saisit bien l’idée mais…
5.  Rares sont ceux qui peuvent porter ce fardeau
6.  Embrasse mes mains

Sophie a décidé d’appréhender en laboratoire les pièces dans l’ordre chronologique (ci-dessus), de travailler à partir – (en regard) –, de l’essai de Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux.


Extraits :


Eloge des larmes

PLEURER. Propension particulière du sujet amoureux à pleurer : modes d’apparition et fonction des larmes chez ce sujet.

Roland Barthes in Fragments d’un discours amoureux.




Fading

FADING. Epreuve douloureuse selon laquelle l’être aimé semble se retirer de tout contact, sans même que cette indifférence énigmatique soit dirigée contre le sujet amoureux ou prononcée au profit de qui que ce soit d’autre, monde ou rival.

Roland Barthes in Fragments d’un discours amoureux, p.129.


Loquèle

LOQUELE. Ce mot, emprunté à Ignace de Loyola, désigne le flux de paroles à travers lequel le sujet argumente inlassablement dans sa tête les effets d’une blessure ou les conséquences d’une conduite : forme emphatique du « discourir » amoureux.
Roland Barthes in Fragments d’un discours amoureux, p.129.

*La loquèle désigne une fièvre du langage intérieur. Le fait de ne jamais se taire, de rabâcher, de ressasser comme de tourner une vielle.  Il y a la loquèle volubile. Une manière de tourner en rond intérieurement


Elle a travaillé aussi en dialogue avec l’actualité en apportant, en début de séance, des articles de journaux en lien avec le travail en cours.


 
Extrait du livre d’Harmmant-Damien

Sophie a tiré de « grandes thématiques » dans chacune des pièces.  Les élèves ont donc du répondre par le biais d’improvisations filmées aux consignes délivrées par Sophie et tirées de ces grandes thématiques. La vidéo constitue un support précieux de travail mais Sophie met en garde les élèves, elle ne doit pas être le prétexte à des formes trop conceptuelles, elle ne doit pas non plus, ramener de la « psychologie cinéphile » ; il s’agit bien d’une recherche théâtrale. Elle ajoute que le tragique, comme l’est celui des textes d’Howard Barker, c’est justement de ne pas savoir pourquoi on se met à parler de quelque chose.  Les différentes improvisations sont ensuite visionnées sur une télévision et commentées par Sophie et les élèves. La recherche s’organise donc, au départ, à partir de textes, d’articles puis à partir du travail créatif des élèves eux-mêmes.

Les élèves ont donc notamment travaillé sur la question des larmes, - (Qu’est-ce que pleurer au théâtre ?) – sur les gestes de l’orateur à partir de l’essai d’Harmmant-Damien*, sur la représentation de l’étranger – (Comment peut-on jouer l’étranger au théâtre ?), sur la représentation de l’étrangeté et du handicape linguistique (bégaiement, mutisme…), sur la notion de chœur – (Comment faire fusionner et dissoudre son individualité au sein d’un groupe ?), sur la mort – (Comment meurt-on sur scène ? Quelle serait la plus belle mort ?), sur la torture…

Extraits vidéo des improvisations des élèves :




Sarah Blamont et Mathilde Martinage, dans une improvisation sur Les conséquences imprévues d'un acte patriotique, pièce qui met en scène les personnage bibliques de Judith et sa servante.







Les comédiens Antoine Amblard, Mathilde Souchaud et Pierre-Yves Poudou dans deux improvisations sur la notion du "Choeur".




Les comédiens Pierre-Yves Poudou (la tête), Cyril Boccara et Léa Girardet dans une improvisation sur "la tête coupée".



Les comédiens Nelly Pulicani et Alexis Barbosa expérimentent une danse macabre entre un tortionnaire et un jeune homme à partir du texte L'extase de la femme muette. Ils dansent sur le travail sonore de Sophie Berger (élève en son).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire