lundi 6 février 2012

Article de presse qui a inspiré l'affiche du spectacle et le travail...

Photographie de l’article de presse « Alia Magda Ehmahdy, 
nue contre les salafistes », Libération – 17 novembre 2011.

« (…) La jeune femme qui pose, Alia Magda Ehmahdy, est égyptienne, bloggeuse et militante féministe. Elle a diffusé ce cliché, et d'autres, sur son blog, fin octobre, revendiquant sa condition de femme libre. Sur cet espace, intitulé «Confessions calmes», elle dénonce l'obscurantisme.  La jeune femme se présente comme  «individualiste», et déclare militer «contre une société de violence, de racisme, de sexisme, de harcèlement sexuel et d'hypocrisie», comme l’a traduit le journal Le Monde. Alia a pris ces photos elle-même, chez ses parents, quelques mois avant de rencontrer son compagnon actuel, Kareem Amer, qui a fait trois ans de prison pour «insulte au président» et «blasphème» sous le régime de Moubarak. Elle utilise la photo pour délivrer un message aux salafistes et aux Egyptiens : "Mon corps n'est pas honteux."» (…) »

 Extrait de l’article « Alia Magda Ehmahdy, nue contre les salafistes », Libération - 17 novembre 2011.

Cet article de presse a nourri le travail des comédiens pour la pièce Elle saisit bien l’idée mais…et la photographie de l’article a inspiré aux scénographes l’affiche du spectacle.


« Vous me faites avoir honte de ce dont je ne devrais pas avoir honte. »

(Elle saisit bien l’idée mais…, Les Possibilités)


Fragments d'un discours amoureux


« Je travaille depuis longtemps et régulièrement à l’école sur Les Fragments d’un discours amoureux, à la fois comme sujet et comme exercice pour les acteurs qui prennent alors conscience qu’on peut restituer le sentiment sans passer par la psychologie. (…) Comment montre-t-on la passion au théâtre ? Il faut que les acteurs aient des choses en commun, des larmes en commun par exemple, ou d’autres métaphores très utiles utilisées par Barthes, comme celle des « yeux exorbités » de l’amour. Si on prend ces métaphores au pied de la lettre et si certains gestes sont bien faits, alors ils sont justes. Si le geste est juste, alors la restitution du sentiment est juste. La métaphore au pied de la lettre, c’est aussi une vieille astuce vitézienne ; ce qui importe, c’est de trouver une façon d’entrer dans le jeu qui ne passe pas par la psychologie. (…) »

Sophie Loucachevsky, Entretien réalisé par Laurent Mulheisen pendant les répétitions de Manhattan Medea, le 14 décembre 2009 à La Colline. Propos recueillis par Laure Hémain.

Album de filage

Mathilde Martinage, Alexis Barbosa,, Embrasse mes mains
(Ci-dessous de gauche à droite: Mathilde Souchaud, Léa Girardet, Maxime Mansion, Cyril Boccara, Pierre-Yves Poudou
Rares sont ceux qui peuvent porter ce fardeau)



Nelly Pulicani, Elisa Rischke, Alexis Barbosa. Elle saisit bien l'idée mais...
Léa Girardet, Sarah Blamont. Les conséquences imprévues d'un acte patriotique
Antoine Amblard, Mathilde Martinage. L'extase de la femme muette




Maxime Mansion, Cyril Boccara. Quelques hypothèses sur la Chute...



« Depuis toujours nous sommes en guerre, une guerre civile dans laquelle les soldats tournent en rond, revenant régulièrement dans les lieux qu’ils ont déjà traversés. Cette guerre est donnée comme répétitive, infinie, on dit qu’elle ne sera jamais terminée et tout le monde a oublié pourquoi elle a commencé. « Nous adorons cette guerre, n’est-ce pas ? Il est vrai que nous aimons la souffrance… » Dans ce monde en guerre civile, il y a dans ces pièces, une parabole évidente de la catastrophe permanente et du désastre infini, les soldats ne tuent personne, les moines ne font pas la charité, les hommes sont sans mémoire, les femmes veuves et les enfants sans vertu, et tout est apparemment absurde. Ces paraboles de guerre disent seulement qu’on continue à marcher sur les routes et que l’optimisme le plus notable consiste à conserver son butin avec soi alors qu’on sait qu’on risque de mourir. »
Howard Barker
ARGUMENTS FOR A THEATRE*

*ARGUMENT FOR A THATRE définit les rapports qu’entretient Barker avec les notions de destruction, de catharsis et de renouveau. Son « Théâtre de la Catastrophe » s’adresse à ceux qui souffrent d’une « imagination handicapée », qui ressentent « un désir inarticulé de spéculation morale ». Un désir qui ne saurait assouvir ni la « télévision kitsch », ni les comédies musicales, ni le « théâtre humaniste » qui traite son public comme un chien en laisse : « Il me semble qu’il y a une tristesse profonde dans les relations entre le Réconciliateur – le dramaturge – et ceux qui recherchent l’harmonie – le public – dans le théâtre humaniste.

vendredi 27 janvier 2012

Album de répétitions.

Quelques photographies de la répétition de l'une des six pièces, 
Rares sont ceux qui peuvent porter ce fardeau, (le 26.01.2012).

LA FEMME (doublée) & LE BOUQUINISTE (au centre).

           
L'HOMME (doublé) & LE BOUQUINISTE (au centre).

          


Quelques photographies du premier enchaînement des six pièces sans machinerie, le 26 janvier à 20h en salle Laurent Terzieff :

Danse macabre.
                           


JUDITH

Les conséquences imprévues d'un acte patriotique
LA FEMME, JUDITH, LA SERVANTE.
Changement de décor à vue et installation pour la pièce à venir: Elle saisit bien l'idée mais...avec les scénographes Lucie et Apolline.

LA FONCTIONNAIRE & LA FEMME dans Elle saisit bien l'idée mais...


jeudi 26 janvier 2012

Extrait d'un cahier de mise en scène


Premières pages du "Journal de bord" de Sophie Loucachevsky. Sur la page de gauche, la photographie qui a inspiré l'affiche du spectacle. La toile peinte devant la destruction.

Qui est Sophie Loucachevsky?



Après des études d’architecture et un début de carrière comme actrice (*Passion de Godard en 1981), elle assiste Antoine Vitez au Théâtre National de Chaillot entre 1982 et 1986. À Chaillot, elle monte Madame de Sade de Mishima, Judas-Pilate de Claudel, Les Désossés de L.-C. Sirjacq.  Elle obtient la bourse de la Villa Médicis hors les murs pour le Japon. Début d’une longue série d’expériences professionnelles à l’étranger où, en même temps qu’elle travaille sur des textes classiques (Shakespeare, Marivaux, Claudel, Pouchkine), elle monte des auteurs contemporains (J.-F. Peyret, L.-C. Sirjacq ou M. Tsvetaeva) et commence à écrire sur l’identité. En 1987, elle fonde les APA, réunion de 150 artistes autour de différents spectacles créés à l’Athénée et en Avignon, et travaille régulièrement à l’Athénée jusqu’en 1995, où elle monte entre autres Phèdre de Tsvetaeva. En 1993, elle réalise en Roumanie un travail sur l’identité, Six personnages en quête de... et dirige, en 1994, la petite salle du Théâtre National de l’Odéon, où elle crée avec une cinquantaine d’artistes, une vingtaine de spectacles à partir de la question : “dire je”. Le projet est élaboré avec J.-F. Peyret sous le titre de Théâtre-Feuilleton. En 1995, elle entre dans une longue aventure avec l’Afrique du Sud. Elle réalise Mots tus et bouches cousues sur des textes de poètes sud-africains à la Villette, crée en 1997, au Maillon de Strasbourg, Fragments d’après une nouvelle de N. Gordimer, avec des comédiens, danseurs et musiciens français et sud-africains. L’expérience se conclut en 1998 en Nouvelle-Calédonie avec Jonas : spectacle musical qui retrace la vie de Jonas Gwangwa, grand tromboniste sud-africain et figure phare de la lutte contre l’apartheid. En 1999, elle poursuit son exploration de l’identité et de l’autobiographie avec des ateliers sur le thème : “se raconter” qui donnent lieu à une recherche pluridisciplinaire. Grâce à Perec, dans Approche de quoi, elle vide le sac des artistes qu’elle rencontre en Nouvelle-Calédonie, en Martinique et au Sénégal, avant de créer, en 2000, La Petite Planète d’après Espèces d’espaces de Perec (Comédie de Reims/Forum des Images à Paris). En 2003, elle est artiste résidente en Afrique du Sud et y monte, l’année suivante, L’Homosexuel ou la Difficulté de s’exprimer de Copi. En 2005, à l’École des Sables au Sénégal, elle dirige un travail sur Fragments d’un discours amoureux de Barthes avec des danseurs venus de dix-huit pays d’Afrique, puis, invitée par Michel Didym, elle met en espace Passion selon Jean de Tarantino à La Mousson d’été. Le spectacle est créé au théâtre National de la Colline à l’automne 2007. Dans la saison 2005-2006, elle travaille sur
Le Banquet des aboyeurs de Durif, avec l’auteur et les étudiants de l’ESAD puis, à l’invitation d’E. Laborit (International Visual Theater), elle monte en langue des signes trois courtes pièces de Beckett : Actes sans paroles 1 et 2 / Va-et-vient, pour le Festival Paris-Beckett. Le spectacle est créé la saison suivante à La Ferme du Buisson et à l’IVT. En 2009-2010, elle monte Manhattan Medea de Dea Loher au théâtre de La Colline. Actuellement, elle prépare deux projets: Morbid de Fausto Paravidino  et à nouveau Phèdre de Marina Tsvetaeva.
Depuis 1986, elle mène parallèlement une carrière d’enseignante (Théâtre national de Chaillot, Théâtre national de Strasbourg, Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique…) et dirige différents ateliers de formation à l’étranger en collaboration avec Cultures France. Elle enseigne aujourd’hui à l’ESAD, à Paris, comme professeur permanent et en janvier- février 2012 mettra en scène à l'ENSATT Les Possibilités d'Howard Barker.


*Sophie Loucachevsky dans Passion de J.L. Godard, (1982)

"C'est pas un mensonge mais quelque chose d'imaginé qui n'est jamais l'exacte vérité, qui n'est pas non plus son contraire mais qui, dans tous les cas est séparé du réel extérieur par les "à peu près" profondément calculés de la vraisemblance"
(Extrait du scénario de J.L. Godard)

jeudi 19 janvier 2012

Fragments d'un costume...

Dessins des costumières Marion Benages et Floriane Gaudin.
               

Rencontre avec Guillaume Dujardin (vendredi 13 janvier 2012)

Guillaume Dujardin,  - « metteur en scène de province » comme il se définit lui-même –, est venu nous parler de sa rencontre « coup de foudre » avec l’écriture d’Howard Barker, lorsqu’il avait vingt ans.


Guillaume Dujardin, metteur en scène

Qui est Guillaume Dujardin par rapport à Howard Barker ?

Après ses premières mises en scènes professionnelles, (Histoire de nuit de Sean O’Casey, La Nouvelle Délivrance de S.I. Witkiewicz, L’écriture ou la vie d’après George Semprun), au Nouveau Théâtre de Besançon, Guillaume Dujardin met en scène pour la première fois un texte d’Howard Barker : Brutopia. L’écrivain anglais assiste à l’une des représentations et c’est à la suite de cette « rencontre post-spectacle » qu’ils décident de mener ensemble un travail commun sur plusieurs années. En 2003, Guillaume fonde la « Compagnie Mala Noche » avec des amis comédiens. Avec cette compagnie, il invite Howard Barker à mettre en scène en France et en français Animaux en paradis. En 2006, The Wrestling School, compagnie britannique que dirige Howard Barker, l’invite à mettre en scène The seduction of almighty god. Le spectacle, joué par six comédiens britanniques et deux comédiens français, est créé à Birmingham et représenté dans plusieurs villes anglaises. Le spectacle est joué en décembre 2006 au Riverside studio à Londres. En 2006 toujours, la Compagnie crée le Festival de Caves, Guillaume y met en scène notamment La douzième bataille d’Isonzo d’Howard Barker. Au cours de l’édition 2007 du Festival, il met en scène Objets possibles, (un mélange de pièces tirées à la fois du recueil de pièces Les possibilités et Treize objets), d’après l’œuvre d’Howard Barker. À l’automne 2007, Guillaume met en scène une nouvelle pièce d’Howard Barker : The dying of today. Le spectacle créé à la Comédie de Caen s’est joué en tournée en France.

Howard Barker, écrivain, dramaturge et peintre.

Qui est Howard Barker pour Guillaume Dujardin ?

Guillaume Dujardin nous décrit d’abord Howard Barker comme quelqu’un venant d’un quartier populaire de Londres et attaché à la langue populaire anglaise dont il déplore la standardisation (due notamment aux influences de l’américain). Il le décrit comme un homme très beau, très « chic », un misanthrope qui a décidé de consacrer sa vie à l’écriture et la peinture. D’ailleurs, Guillaume nous confie qu’Howard Barker part toujours d’une peinture pour commencer une pièce. L’entrée d’un texte d’Howard Barker est donc souvent une « anecdote picturale » comme il la nomme. C’est aussi pour cela, explique-t-il, que les pièces de ne se déroulent jamais aujourd’hui, - (comme c’est aussi le cas dans les pièces de Shakespeare) –, l’anachronisme est donc entièrement assumé. Howard Barker n’écrit pas du théâtre politique, au sens brechtien du mot, c'est-à-dire qu’il n’y a pas de thèse et en même temps, ce n’est pas un théâtre qui porte directement sur l’actualité médiatique du monde. Il nous explique que l’écrivain s’est construit une vie monacale, (il ne vit pas à Londres), de travail à l’écriture et la peinture.

 Judith, dessin encre de Chine et aquarelle d'Howard Barker.

Peinture d'Howard Barker.

Guillaume Dujardin et Howard Barker ont travaillé dix ans en relation étroite. Ils ont une passion commune pour Goya, surtout ses gravures dans lesquelles prévalent des considérations esthétiques et non  morales.



Goya porte un regard détaché sur les moeurs de son temps et s’emploie à dénoncer les vices humains qui s’expriment « lorsque la Raison s’endort ». Si l’artiste dénonce les travers d’une société espagnole archaïque marquée par la prostitution, l’obscurantisme, la vénalité et l’abus de pouvoir, ses oeuvres dépassent le simple nationalisme pour atteindre une portée universelle. Au sujet de sa série Les Caprices, Goya disait: « L’Auteur songeant. Son seul dessein est de bannir de nuisibles croyances communes et de perpétuer par cette oeuvre de caprice le solide témoignage de la Vérité ».

  
Goya est le peintre préféré d'Howard Barker.

Qu'a lu Howard Barker?

« Il y a très peu d’auteurs de théâtre dans sa bibliothèque officielle. Il a lu – c’est évident –  Shakespeare », nous affirme-t-il. « Il a lu Brecht, Argument for theatre c’est le Petit Organon pour un théâtre de Bertolt Brecht ». Pour H. Barker, les spectateurs qui vont au théâtre doivent être déstabilisés, le spectateur doit être dérangé. "Il a lu Artaud", nous dit-il aussi, "mais cela, Howard Barker le niera. "

 « Le théâtre est une nécessité, il ne délivre pas de messages, il est au service de la langue, de l'émotion. On me dit auteur politique, j'ai des idées politiques, mais jamais sur la scène »

Howar Barker interviewé par Le Figaro le 09.01.2009

Conseils aux comédiens de Guillaume Dujardin concernant l’appréhension d’un texte de Barker :

« Le texte doit donner de l’autonomie au personnage ; les personnages doivent vivre – nous devons aimer leurs qualités autant que leurs défauts, par exemple si je joue un tortionnaire, je ne sais pas – Richard III est très séduisant même si c’est un salaud – je n’ai pas à être moral avec mon personnage.  Parfois, souvent, il faut accepter de ne pas comprendre. Jouer l’acte et non le pourquoi de l’acte. Oui, il y a quelque chose du théâtre de la cruauté d’Artaud et de la peinture de Schiele. »

Nu féminin avec jambes étendues, Egon Schiele, 1914.

Victoria, la muse

La plupart de ses textes, Howard Barker les a écrits pour l’actrice anglaise Victoria Wicks. Il avait une fascination pour son corps, « comme Bonnard pour le corps de Marthe » explique Guillaume, « Gertrude c’est Victoria ». Animaux en paradis est une pièce entièrement écrite pour Victoria. 



Victoria Wicks in Les animaux en Paradis
Elle a joué dans une vingtaine de pièces d’Howard Barker.

   Marthe peinte par Pierre Bonnard (1867-1947)


Quelques préceptes donnés par Guillaume pour aborder les textes de Barker :

Il ne faut pas vouloir expliquer ce théâtre.
 « Jouer pour le japonais du douzième rang » confirme  Sophie Loucachevsky, en d’autres termes.
Il faut faire confiance au spectateur.
Ne pas vouloir être trop explicatif.
La gangrène c’est : vouloir tout simplifier.
Le théâtre est une activité de petit nombre par nature.
Le théâtre ne doit pas être rassurant comme la télévision.
Il faut déconstruire la psychologie au théâtre.

Quelques idées sur le théâtre anglais :

Shakespeare était un bourgeois – (copropriétaire d’un théâtre, il touchait ses droits, achats de ses pièces, propriétaire de terres à la fin de sa vie…) –  il  écrivait du théâtre pour gagner sa vie. En Angleterre, il y a soit un théâtre comique, soit un théâtre politique car il y a très peu d’institutions. (D’ailleurs, les comédiens ne touchent pas le chômage. C’est pour cela que le théâtre d’H. Barker est orphelin dans son propre pays. En France, il y a beaucoup plus de moyens de production. « Le peuple européen est beaucoup plus pauvres que celui du Moyen-âge car dénué d’âme, il n’est occupé que par son salaire et son avidité. » dit souvent Howard Barker. Guillaume explique que l’écrivain regrette le Moyen-âge car il n’y a plus de monastères pour pouvoir penser. Il n’y a plus de silence ; « il n’y a plus que des bouches ». « On est entouré par du bruit. », dit Guillaume qui rejoint la pensée de l’auteur. 


Pourquoi Howard Barker s’est intéressé à la figure biblique de Judith ?


« Peut-être parce que Judith incarne la figure du sacrifice », répond Guillaume. « Le couple Judith et sa servante sont allées au bout du sacrifice. »

Judith décapitant Holopherne par le Caravage (1598-1599)


Barker est-il misogyne ?


« Je ne crois pas cela car il a écrit de très grands rôles pour les femmes. Il peint dans ses pièces, avec une très grande acuité la construction du désir ; je crois qu’il possède une très grande intuition concernant le désir. Misogyne, je ne dirais pas cela. » 

mercredi 18 janvier 2012

Qu’est-ce qu’un laboratoire de théâtre ? (du 3 - 14 janvier)

Le laboratoire s’organise comme des séances de travail journalières qui rassemblent tous les comédiens  et tous les membres de l’équipe de l’atelier-spectacle (les scénographes, les concepteurs lumière, la conceptrice son, l’assistant à la mise en scène et Sophie Loucachevsky). 


Le laboratoire se déroule dans le Nouveau théâtre Laurent Terzieff de l’ENSATT (Lyon).

Un laboratoire pourquoi ?

Un laboratoire car Les possibilités sont ininterprétables. Le théâtre de Barker est un théâtre d’acteur. Il s’agit d’un travail de construction et non d’interprétation intellectuelle, de projection de metteur en scène. Le travail s’élabore autours de questions posées alors « en bataille ».


Le déroulé du laboratoire suit, cependant,  l’ordre des pièces choisies pour le spectacle.
Les Possibilités est, en effet, un recueil de plusieurs pièces, (9), écrites par Howard Barker en 1988, dans lesquelles l’écrivain, - selon Sophie Loucachevsky – utilise la guerre « comme loupe poétique ». Sophie L. écrit à propos de ces pièces : 

« Depuis toujours nous sommes en guerre, une guerre civile dans laquelle les soldats tournent en rond, revenant régulièrement dans les lieux qu’ils ont déjà traversés. Cette guerre est donnée comme répétitive, infinie, on dit qu’elle ne sera jamais terminée et tout le monde a oublié pourquoi elle a commencé. « Nous adorons cette guerre, n’est-ce pas ? Il est vrai que nous aimons la souffrance… » Dans ce monde en guerre civile, il y a dans ces pièces, une parabole évidente de la catastrophe permanente et du désastre infini, les soldats ne tuent personne, les moines ne font pas la charité, les hommes sont sans mémoire, les femmes veuves et les enfants sans vertu, et tout est apparemment absurde. Ces paraboles de guerre disent seulement qu’on continue à marcher sur les routes et que l’optimisme le plus notable consiste à conserver son butin avec soi alors qu’on sait qu’on risque de mourir. »

Parmi les neuf pièces du recueil, six pièces ont été choisies par les élèves :


                1.  Quelques hypothèses sur la chute des empereurs.
2.  L’extase de la femme muette
3.  Les conséquences imprévues d’un acte patriotique
4.  Elle saisit bien l’idée mais…
5.  Rares sont ceux qui peuvent porter ce fardeau
6.  Embrasse mes mains

Sophie a décidé d’appréhender en laboratoire les pièces dans l’ordre chronologique (ci-dessus), de travailler à partir – (en regard) –, de l’essai de Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux.


Extraits :


Eloge des larmes

PLEURER. Propension particulière du sujet amoureux à pleurer : modes d’apparition et fonction des larmes chez ce sujet.

Roland Barthes in Fragments d’un discours amoureux.




Fading

FADING. Epreuve douloureuse selon laquelle l’être aimé semble se retirer de tout contact, sans même que cette indifférence énigmatique soit dirigée contre le sujet amoureux ou prononcée au profit de qui que ce soit d’autre, monde ou rival.

Roland Barthes in Fragments d’un discours amoureux, p.129.


Loquèle

LOQUELE. Ce mot, emprunté à Ignace de Loyola, désigne le flux de paroles à travers lequel le sujet argumente inlassablement dans sa tête les effets d’une blessure ou les conséquences d’une conduite : forme emphatique du « discourir » amoureux.
Roland Barthes in Fragments d’un discours amoureux, p.129.

*La loquèle désigne une fièvre du langage intérieur. Le fait de ne jamais se taire, de rabâcher, de ressasser comme de tourner une vielle.  Il y a la loquèle volubile. Une manière de tourner en rond intérieurement


Elle a travaillé aussi en dialogue avec l’actualité en apportant, en début de séance, des articles de journaux en lien avec le travail en cours.


 
Extrait du livre d’Harmmant-Damien

Sophie a tiré de « grandes thématiques » dans chacune des pièces.  Les élèves ont donc du répondre par le biais d’improvisations filmées aux consignes délivrées par Sophie et tirées de ces grandes thématiques. La vidéo constitue un support précieux de travail mais Sophie met en garde les élèves, elle ne doit pas être le prétexte à des formes trop conceptuelles, elle ne doit pas non plus, ramener de la « psychologie cinéphile » ; il s’agit bien d’une recherche théâtrale. Elle ajoute que le tragique, comme l’est celui des textes d’Howard Barker, c’est justement de ne pas savoir pourquoi on se met à parler de quelque chose.  Les différentes improvisations sont ensuite visionnées sur une télévision et commentées par Sophie et les élèves. La recherche s’organise donc, au départ, à partir de textes, d’articles puis à partir du travail créatif des élèves eux-mêmes.

Les élèves ont donc notamment travaillé sur la question des larmes, - (Qu’est-ce que pleurer au théâtre ?) – sur les gestes de l’orateur à partir de l’essai d’Harmmant-Damien*, sur la représentation de l’étranger – (Comment peut-on jouer l’étranger au théâtre ?), sur la représentation de l’étrangeté et du handicape linguistique (bégaiement, mutisme…), sur la notion de chœur – (Comment faire fusionner et dissoudre son individualité au sein d’un groupe ?), sur la mort – (Comment meurt-on sur scène ? Quelle serait la plus belle mort ?), sur la torture…

Extraits vidéo des improvisations des élèves :




Sarah Blamont et Mathilde Martinage, dans une improvisation sur Les conséquences imprévues d'un acte patriotique, pièce qui met en scène les personnage bibliques de Judith et sa servante.







Les comédiens Antoine Amblard, Mathilde Souchaud et Pierre-Yves Poudou dans deux improvisations sur la notion du "Choeur".




Les comédiens Pierre-Yves Poudou (la tête), Cyril Boccara et Léa Girardet dans une improvisation sur "la tête coupée".



Les comédiens Nelly Pulicani et Alexis Barbosa expérimentent une danse macabre entre un tortionnaire et un jeune homme à partir du texte L'extase de la femme muette. Ils dansent sur le travail sonore de Sophie Berger (élève en son).

La salle Laurent Terzieff

LAURENT TERZIEFF éloge du théâtre

Bouillon de culture - 03/02/1995 (Cliquez sur le lien.)

Laurent Terzieff à la demande de Bernard Pivot fait l'éloge du théâtre, en parlant beaucoup du public, responsable de la signification qu'il va donner à la pièce. Le théâtre est un lieu où se rencontrent le monde visible et le monde invisible, façon de guérir son introversion mais aussi miroir que l'on tend aux hommes par l'expérience du langage.